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L’éducation à la citoyenneté numérique, une nécessité du 21ème siècle (Lamine A. FALL)

Depuis la toute première connexion officielle de notre pays à Internet en 1996, le Sénégal aura mis en œuvre d’importantes résolutions allant dans le sens de l’augmentation du taux de pénétration d’internet et du nombre d’abonnés au haut débit. En somme, tout a concouru en faveur de la diffusion et de la vulgarisation des usages d’Internet. Ces efforts ont abouti à la création du Ministère de la Communication et de l’Economie numérique, le 06 juillet 2014. C’est la résultante d’une plus grande volonté politique à accroître la contribution du secteur des postes, des télécommunications et des technologies de l’information dans le développement du pays.

Ainsi, dans un pays marqué par la pauvreté (50 % de la population) et l’analphabétisme  qui touche plus 60 % de la population, les conséquences liées à l’usage d’un tel instrument peuvent s’avérer néfastes. C’est donc le lieu, dès lors, de se donner les moyens de bien préparer nos concitoyens à l’usage de ces nouveaux instruments à la pointe de la technologie, proportionnellement à l’expansion et à la vulgarisation du « réseau des réseaux » à l’intérieur de nos frontières.

L’évolution du monde internet est spectaculaire, avec une vitesse de folie. De NTIC, on est passé à TIC en un temps record, sans même nous en apercevoir. Notre niveau de confidentialité individuel initial s’est vite dissipé, transformant ainsi le monde en village planétaire. Le numérique est devenu l’affaire de tous : entreprises, personnes privées, gouvernants, criminels en tous genres. Tout le monde surfe et les instruments de navigation sont devenus de plus en plus simples et plus fluides.

Quatrième révolution industrielle d’importance après la mécanisation, l’électrification et l’automatisation, le numérique est en passe de bousculer toutes nos habitudes. Cette ère a fini de s’imposer à nous avec des équipements moins coûteux, un marché à forte concurrence et un développement des usages. La possession d’un ordinateur n’est plus un enjeu. Internet se massifie et se démocratise à la vitesse de la lumière. Il faut juste un téléphone et un accès pour avoir la capacité d’influencer le grand nombre. Cette démocratisation des outils et des pratiques s’est faite à grand renfort de marketing.

Aujourd’hui, nous vivons le diktat du numérique. Et comme nous l’avons partagé ailleurs, l’informatique et la gestion des systèmes d’informations se sont imposées à nous et nous en avons fait une exigence du numérique. Incontestablement, les réseaux sociaux ont une influence qui dépasse l’univers digital qui les abrite. Nous aimons aussi à rappeler que si certains observateurs de la scène politique internationale ont pu lier l’élection d’un Président aux USA et la victoire du Brexit en Grande-Bretagne à la puissance de frappe des réseaux sociaux, c’est parce que ces derniers ont eu la capacité  d’imposer un choix à des communautés toutes entières.

Ainsi donc, en caressant l’idée d’évoluer dans une société numérique, les sénégalais doivent également inventer des stratégies adaptées incluant une amélioration de leur vivre-ensemble dans ce nouvel environnement. Le citoyen doit se réapproprier de nouvelles règles de comportement tout en réinventant sa citoyenneté.

La succession de certains événements avec leur cortège de désastres interroge non pas seulement le législateur sénégalais, mais le pays dans son entièreté. Mois après mois, des dérives de plus en plus périlleuses sont relayées sur la toile, avec une régularité qui frise la banalité extrême. Cela est encore beaucoup plus visible dans la prise de parole d’acteurs souvent « pro de l’impro », qui ne manque jamais l’occasion de donner leurs positions sur la gestion ou le déroulement de l’action socio politique. Et pourtant, Internet aurait dû être un outil de facilitation de notre cohésion et notre vivre-ensemble en nous permettant de communiquer de façon respectueuse, non violente et responsable.

Eu égard à ce qui précède, il urge, pour notre pays et ses autorités en charge de l’enfance, de réfléchir sur les modalités d’une introduction de l’éducation à la citoyenneté numérique active dans les programmes scolaires, à l’instar de l’éducation à la vie familiale, à l’éducation à la paix, etc.

La citoyenneté numérique active se présente comme l’acquisition de compétences pour apprendre, comprendre, entreprendre et participer activement à la société numérique. C’est, en d’autres termes, l’ensemble des connaissances et des aptitudes nécessaires permettant à un citoyen d’exercer et de défendre en ligne, ses droits et responsabilités légitimes. Aussi, l’apprentissage de la citoyenneté numérique s’arrime-t-il parfaitement à la promotion et protection des droits de l’homme, à la démocratie et à  l’État de droit dans le cyberespace. Aujourd’hui, bien partagée dans les pays développés, la citoyenneté numérique y est vécue tel « le maniement efficace et positif des technologies numériques (créer, travailler, partager, établir des relations sociales, rechercher, jouer, communiquer et apprendre), la participation active et responsable (valeurs, aptitudes, attitudes, connaissance) aux communautés (locales, nationales, mondiales) à tous les niveaux (politique, économique, social, culturel et interculturel), l’engagement dans un double processus d’apprentissage tout au long de la vie (dans des structures formelles, informelles et non formelles) et la défense continue de la dignité humaine ». Partout dans ces pays revendiquant la paternité légitime de la révolution industrielle, l’humanité est en train d’inaugurer un nouvel âge, celui de la révolution numérique avec comme acteur central, l’homo numericus.

Il faut désormais se rendre compte à l’évidence. Notre monde change toutes les minutes, alors il faut armer nos enfants. Et c’est à partir de l’école que les grands changements se couvent. Cette école a besoin de mises à jour, car avec Internet et les réseaux sociaux, les comportements liés au numérique ont entraîné de nouveaux risques et de nouveaux besoins. Et le Ministère de l’Éducation en rapport avec celui de l’économie numérique doivent de façon urgente trouver les réponses aux questions telles que : Comment accompagner et couvrir les enseignants face aux usages numériques, dans le cadre professionnel ? Comment protéger les enfants, parents et enseignants face aux dangers du numérique ? Une bonne prise en charge de ces différentes interrogations dans le cadre d’une éducation à la citoyenneté numérique permettra, dans un avenir proche, de doter notre société d’une meilleure armature nécessaire à sa protection. Mais, pour l’heure et en attendant les décisions du législateur, l’État du Sénégal pourrait instituer une « Journée Nationale du Numérique » dont le but serait de sensibiliser les différents acteurs (enseignants, élèves, parents …) aux nouveaux usages et comportements sur Internet en général et dans les réseaux sociaux en particulier.

En conclusion,  nous estimons que le règne du numérique rime avec cyber-défense, cyber-attaque, cyber-sabotage, cyber-déstabilisation, cyber-espionnage…

En 2000, le Ministre de la Communication et de la Culture, Mamadou Diop Decroix lors de la cérémonie de lancement de sites Internet dans certaines localités de notre capitale,  reconnaissait déjà que « le Sénégal a raté le train de la révolution industrielle » mais que « la révolution informationnelle nous offre l’opportunité de rattraper ce retard » (Faye, 2000). Et ce n’est que quatorze années après que le secteur des postes, des télécommunications et des technologies de l’information et de la communication a été érigé en Ministère de la Communication et de l’Economie numérique à travers le décret n°2014-213 du 17 février 2014 pour mieux prendre en charge les préoccupations des acteurs de la sphère numérique. Le constat est clair, la vitesse de notre pays dans ce domaine est disproportionnée par rapport au rythme et à la progression du monde numérique. Pourtant, aussi remarquables que paraissent les performances en la matière, elles ne peuvent dissimuler les nombreuses insuffisances constatées au Sénégal, liées à la pauvreté et à l’analphabétisme des populations. C’est cela qui projette notre pays dans une sorte d’urgence numérique et donc, de nécessité à faire de l’éducation à la citoyenneté numérique active une priorité. Il s’agira ni plus ni moins pour l’école sénégalaise que d’armer au mieux ses fils à affronter les réalités du monde actuel. D’ailleurs, les principales indications retenues dans la « Stratégie Sénégal numérique 2016-2025 » devant mener à une transformation structurelle de l’économie de notre pays nous orientent vers cette direction.

Lamine Aysa FALL

Thiès nord

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