Thierno Amadou Tidiane Bâ de Fass Gounass, la lumière qui illumine le Niani.
Dans les vastes plaines de l’est du Sénégal, entre savane et brousse, se dresse une cité singulière : Fass Gounass. Une localité dont la lumière ne se limite pas à l’éclat du jour, mais rayonne par la sagesse qui s’y est enracinée. Nichée dans le Niani, à quelques encablures de Koumpentoum, cette cité porte la marque indélébile d’un homme de foi et de savoir : Thierno Amadou Tidiane Ba. Son nom, murmuré avec révérence dans les cercles soufis, évoque non seulement un érudit, mais aussi un bâtisseur, un pilier de la Tidjaniya au Sénégal.
Originaire d’Orefondé, un village du Fouta Toro connu pour son amour de la science et de la religion, Thierno Amadou Tidiane Ba naît en 1925 dans une famille noble. Très tôt, il se distingue par sa soif de savoir et son attachement au Coran. Sous l’œil bienveillant de son père, Aboubakri Mahmoud Bâ, il mémorise les versets sacrés et plonge dans les arcanes de la jurisprudence, de la grammaire et de la langue arabe. Ses premiers pas dans l’apprentissage sont marqués par une assiduité qui laisse présager un destin hors du commun. Mais ce village du Fouta, aussi noble soit-il, ne peut étancher sa soif. Le jeune Thierno, mû par une quête de perfection, se met en route, traversant les terres pour approfondir ses connaissances.
Son périple le mène jusqu’à Kaédi, en Mauritanie, où il rencontre Thierno Mamadou Bocar Kane, un maître de la Tidjaniya. Sous sa tutelle, Thierno Amadou Tidiane Ba reçoit le Wird Tidjani, une étape qui scelle son engagement dans la voie spirituelle. Cette rencontre marque un tournant, mais la quête de Thierno Amadou Tidiane ne s’arrête pas là. Il poursuit son voyage jusqu’à Hooré Gniiwa, au Mali, où l’illustre Cheikh Ahmad Ibn Oumar Makam devient son guide spirituel. Pendant cinq années, il s’imprègne des enseignements de ce sage, tout en participant aux travaux champêtres. Ce temps passé aux côtés de Cheikh Ahmad renforce en lui l’équilibre entre les exigences spirituelles et matérielles. L’érudit malien loue son disciple, vantant son ardeur et son humilité, qualités qui ne tarderont pas à briller davantage dans sa mission future.
Chaque nuit, Thierno Amadou est visité en rêve par Cheikh Ahmad Tidiane Chérif. Ces visions le galvanisent, ancrant en lui un amour profond pour cette voie. Il multiplie alors la récitation de la Salatoul Fatiha et compose des odes en l’honneur du Prophète (PSL) et de Cheikh Ahmad Tidiane.
Après avoir achevé ses études à Hooré Gniiwa, il retourne à Orefondé pour rendre hommage à la mémoire de sa mère. Fidèle à la promesse faite à cette dernière de ne pas interrompre ses études même en cas de décès, il ne rentre qu’après avoir terminé son cycle d’apprentissage. De retour dans sa région natale, il rend hommage à sa famille avant de poursuivre sa quête spirituelle.
Le destin de Thierno Amadou Tidiane prend un tournant décisif lorsqu’il fait la rencontre de Thierno Mouhamadou Seydou Ba, maître de Médina Gounass, qu’il avait précédemment croisé en Gambie. Ce dernier, reconnu pour son attachement inébranlable à la charia et à la sunna, voit en Thierno Amadou Tidiane un digne successeur de ses enseignements.
Thierno Amadou Tidiane Ba se rend à Médina Gounass, sous l’invitation de son maître, Thierno Mouhammadou Seydou Ba. Il décide de s’installer dans cette ville, symbole de la pureté de la charia et de la sunna.
Cependant, un épisode capital de son parcours spirituel se déroule à Mbour, où il s’établit temporairement. Thierno Mouhamadou Seydou Bâ le confie à son maître, Thierno Ahmad Barro. Ce dernier voulait à ses côtés un érudit qui s’occuperait de l’éducation de ses enfants. Cette période passée à Mbour est cruciale, car elle scelle une relation forte avec Thierno Ahmad Barro, maître spirituel dont l’influence marquera à jamais son cheminement. Les enseignements reçus à Mbour, ainsi que la fraternité forgée avec Thierno Mansour Barro, fils de Thierno Ahmad Barro, renforcent son enracinement dans ce Dental béni. Il restera à Mbour jusqu’au décès du maître des lieux. Ces liens se prolongeront bien au-delà de sa vie, tissant une connexion indéfectible entre Fass Gounass, Médina Gounass et Mbour.
Après le décès de Thierno Ahmad Barro, Thierno Amadou Tidiane Ba retourne à Médina Gounass pour se consacrer aux services de son maître Thierno Mouhamadou Seydou Ba. En mars 1957, répondant aux ordres de ce dernier, il se rend dans le Niani pour fonder une nouvelle cité religieuse. C’est ainsi que Fass Gounass voit le jour, un nom symbolique emprunté à Fès, capitale du tidjanisme, et à Médina Gounass, portant en lui l’héritage de la Tidjaniya. De la brousse naît une cité destinée à devenir un centre de savoir et de piété, un foyer où l’Islam fleurit à travers l’enseignement, la prière et la dévotion.
Fass Gounass ne tarde pas à attirer des étudiants des quatre coins du Sénégal et d’ailleurs. Parmi eux, on compte des figures éminentes telles que Thierno Cheikh Barro, actuel Khalif de Mbour, et Thierno Ibnou Oumar Ba, frère cadet de Thierno Amadou Tidiane Ba, Khalif de Médina Gounass. Les relations tissées entre ces grandes figures religieuses témoignent de l’unité et de la fraternité spirituelle entre Fass Gounass, Médina Gounass et Mbour. Thierno Amadou Tidiane entretient des liens privilégiés avec ses maîtres et leurs descendants. Sa proximité avec Thierno Mouhamadou Seydou Ba s’est poursuivie avec son fils, Thierno Amadou Tidiane Ba, l’actuel Khalif de Médina Gounass. De même, son amitié avec Thierno Ahmad Barro de Mbour s’est transmise à Thierno Mansour Barro, assurant ainsi la continuité d’une relation basée sur le respect mutuel et l’engagement dans la voie de Cheikh Ahmad Tidiane.
Sous l’égide de Thierno Amadou Tidiane Ba, Fass Gounass devient un sanctuaire où l’éducation et la spiritualité sont élevées au rang d’art. Le village, en plus d’être un centre de savoir islamique, vibre au rythme des récitations et des chants soufis. Les champs verdoyants et les plaines fertiles de la région servent de toile de fond à cette oasis spirituelle, où la simplicité et la piété règnent en maîtres. Les habitants, majoritairement Peulhs, cultivent la terre tout en honorant leurs obligations religieuses avec une rigueur exemplaire.
Durant sa vie, Thierno Amadou Tidiane Ba accomplit quatre fois le pèlerinage à la Mecque, témoignant de sa dévotion inébranlable. Ses voyages à travers plus de dix pays lui permettent de répandre les enseignements de la Tidjaniya, consolidant ainsi son rôle de guide spirituel. Mais c’est dans ses poèmes, dédiés au Prophète (PSL) et à Cheikh Ahmad Tidiane, que transparaît le plus son amour pour ces figures sacrées. Ses écrits, empreints de ferveur et de dévotion, continuent d’inspirer ceux qui cherchent à marcher sur ses traces.
Le sage avait un don reconnu pour l’expression orale. En fin orateur, il charmait toute personne qui l’écoutait. Il a été pour le Dental, un grand enseignant, mais aussi un historien. Il a laissé à la postériorité un livre biographique qui permet de revisiter le parcours exceptionnel de Thierno Mouhamadou Seydou Bâ.
Le jeudi 4 juillet 1991 au USA, Thierno Amadou Tidiane Ba quitte ce monde, laissant derrière lui un héritage spirituel immense. Son corps est rapatrié et inhumé à Fass Gounass, là où il avait fondé une cité destinée à perdurer. Aujourd’hui, son fils, Thierno Habib Ba, perpétue son œuvre, assurant la continuité de l’enseignement et de la spiritualité. Fass Gounass demeure une terre bénie, un phare pour la communauté musulmane, où la lumière de Thierno Amadou Tidiane Ba continue de briller à travers les générations.
Les liens entre Fass Gounass, Médina Gounass et Mbour demeurent solides, unissant ces trois cités dans une quête commune de savoir et de spiritualité. Ces relations, forgées par des figures comme Thierno Amadou Tidiane Ba et ses maîtres, sont aujourd’hui entretenues par leurs descendants, préservant ainsi l’héritage d’une fraternité soufie séculaire.
Seydi Diallo enseignant à l’IEF de Guinguinéo
Merci à mon ami Aliou Koumé pour les riches informations.
