
Face à ce genre d’épidémie (comme la peste), nos ancêtres étaient très fatalistes, s’en remettant généralement au Ciel. Aujourd’hui, avec le coronavirus, l’humanité fait plus confiance au discours scientifique qui pourtant a, pour le moment, échoué à trouver un remède à la maladie. Comment expliquez-vous cette situation ?
La victoire sur le coronavirus sera remportée lorsque l’humanité disposera d’un médicament dont il sera empiriquement établi qu’il est efficace et surtout d’un vaccin qui protègera tout le monde. Et ce sont des hommes et femmes de science que nous attendons l’un et l’autre. Il est heureux que la foi en la science et en la raison s’affirme ainsi en ces temps où l’obscurantisme prospère. Chez les fanatiques de tous bords bien sûr, mais aussi, par exemple, chez ceux qui considèrent que le discours des scientifiques sur le changement climatique n’est que cela justement : un discours comme un autre que valent d’autres opinions. Il est également heureux que les hommes et femmes de science travaillent à vaincre la pandémie dans une collaboration internationale qui dit la grandeur de l’humain. On peut faire le constat que cette collaboration est réelle et que, même s’ils n’ont pas disparu, les égoïsmes de laboratoires concurrents, de nations en compétition s’effacent devant l’urgence et devant le sens qui aujourd’hui habite toute l’humanité de son unité et de sa fragilité. C’est une affaire de temps mais l’humain vaincra par sa science et sa raison. Insha’Allah !
Comment « réconcilier » foi et science dans l’analyse de la situation actuelle ?
D’abord en prenant conscience qu’il n’est pas besoin de les réconcilier car elles ne sont pas en contradiction. Prenons cette parole coranique : « Ô compagnie de djinns et d’humains, si vous pouvez sortir du domaine des cieux et de la terre, alors faites-le. Mais vous ne le pourrez qu’en vertu d’un pouvoir » (55 :32). Un des commentaires proposés de ce verset, et c’est un commentaire auquel je souscris pour ma part, consiste à dire qu’il indique aux humains que les limites à leur curiosité scientifique et à leur inventivité technique sont des limites de fait et non des limitations d’interdiction. Si vous pouvez, allez-y, est-il ainsi dit. Poursuivez le savoir, arrachez-vous au monde fini pour embrasser de votre science l’univers infini ; mais en même temps que vous découvrirez ainsi les choses au dehors, prêtez attention à l’intérieur de vous à la source même de votre pouvoir de connaître. Pour le croyant, le désir de science n’est pas autre que sa foi.
Parlons maintenant plus précisément et plus concrètement de cette question en rapport à notre situation et à la crise que nous vivons. Prenons le hadith qui est sans doute aujourd’hui le plus cité dans les sociétés musulmanes, la parole du Prophète (psl) qui dit que si l’épidémie (la peste, dans le cas d’espèce) se déclare dans une contrée, il ne faut pas s’y rendre, mais que si l’on s’y trouve déjà, il ne faut pas en sortir. Que nous dit ce hadith ? D’abord que la religion est bon sens, raison et science puisque c’est ce qui s’exprime dans ce propos prophétique. Le meilleur épidémiologiste ne dit pas autre chose.