Cheikh Oumar Diakhaby de Saroudia, le pèlerin de la foi qui sauva la Haute-Gambie
Sous le ciel béni de Souma, en Guinée, un jour d’hiver, le 20 février 1840, naquit Cheikh Oumar Diakhaby, un être destiné à marquer l’histoire de l’islam dans la région de son empreinte indélébile. Ce fut une naissance entourée de mystères et de signes divins. Fils de Cheikh Chamsi Diakhaby et de Tanté Diakhaby, il grandit dans une famille profondément enracinée dans l’érudition et la voie de la Tidjaniya.
Très tôt, des signes de prédestination se manifestèrent autour de lui. Sa mère, dont il était l’unique fils, ressentit déjà durant sa grossesse des phénomènes extraordinaires. On raconte que, lorsqu’il pleuvait, les gouttes d’eau semblaient s’éloigner d’elle, préservant son ventre du moindre contact, comme si une force invisible le protégeait. Ceux qui la côtoyaient savaient que cet enfant à naître n’était pas ordinaire. On dit même que son maître coranique, le voyant pour la première fois, s’exclama devant la clarté de son visage et la profondeur de son regard, pressentant en lui un être promis à une destinée exceptionnelle.
Cheikh Oumar Diakhaby fut éduqué dans l’amour du savoir. Son père, homme de grande érudition, veilla à ce que son fils reçoive les meilleures connaissances possibles. Il fut initié aux sciences islamiques, à la théologie, à la jurisprudence, mais c’est surtout dans l’étude du Coran qu’il excella. Très jeune, il mémorisa le Livre Saint avec une aisance qui impressionnait ses maîtres. Sa voix, lorsqu’il récitait, captait l’attention de tous ceux qui l’entendaient, comme si chaque verset émanait d’une source divine plus profonde.
Cependant, malgré cet environnement propice à l’apprentissage, une soif d’ailleurs grandissait en lui. Après avoir maîtrisé les sciences fondamentales, il ressentit un appel intérieur qui l’incitait à quitter sa terre natale pour explorer de nouveaux horizons. Il pressentait qu’au-delà de la Guinée, un destin plus grand l’attendait. Il en parla à son père, Cheikh Chamsi, qui, en sage avisé, comprit ce besoin d’accomplir une mission divine. Ensemble, ils décidèrent de quitter la Guinée pour un voyage initiatique. Le départ fut marqué par des adieux solennels. Ce voyage, cependant, ne fut pas sans épreuves. En chemin, traversant des contrées hostiles, le père de Cheikh Oumar rendit l’âme. Cette perte marqua profondément le jeune Cheikh, mais loin de l’abattre, elle renforça sa détermination à accomplir ce qu’il percevait désormais comme une mission divine.
Seul, mais guidé par la lumière intérieure héritée de son père, Cheikh Oumar poursuivit son chemin. Le Sénégal, à cette époque, n’avait pas encore pleinement accueilli l’islam dans toutes ses régions. De vastes territoires, notamment au sud-est du pays, restaient ancrés dans des pratiques traditionnelles païennes. C’est ainsi qu’il arriva à Balakhe, peuplée principalement de Dialonké, une ethnie vivant selon ses propres rites et coutumes. Avant de poser pied dans un village, Cheikh Oumar prenait toujours soin de respecter les autorités locales, informant le roi de son arrivée.
Le roi de Balakhe, apprenant qu’un grand érudit islamique allait séjourner sur ses terres, exprima son désir de le retenir auprès de lui. On l’avertit : « Si tu veux retenir cet homme, ce n’est pas par tes richesses que tu le convaincras, mais par ta dévotion au Coran. » Ce sage conseil parvint au roi, qui prépara un accueil empreint de respect pour l’homme de Dieu. À son arrivée, Cheikh Oumar installa ses écoles coraniques, des daaras où il enseignait le Coran aux habitants. Sous son influence, le village tout entier embrassa l’islam, abandonnant progressivement les pratiques païennes qui avaient autrefois rythmé leur quotidien.
Fort de ce succès, Cheikh Oumar poursuivit sa mission avec ardeur. Partout où il passait, des communautés entières se tournaient vers l’islam, inspirées par sa piété, sa sagesse et sa maîtrise des textes sacrés. Mais il n’était pas seulement un homme de prêche : il était aussi un bâtisseur. Il comprenait que pour ancrer durablement la foi dans ces terres, il fallait ériger des mosquées, des lieux de prière communautaires. C’est ainsi qu’il construisit plusieurs mosquées de Kegnaba à Kédougou et dans les environs. Ces lieux de culte devinrent des phares spirituels pour les générations à venir.
Sa quête le mena plus loin, au-delà de Balakhe, jusqu’à ce qu’il fonde Saroudia, un village devenu le cœur battant de son œuvre spirituelle, situé aujourd’hui dans la commune de Médina Bafé, dans le département de Saraya. La zone de Saroudia était à l’origine un territoire païen, mais avec l’arrivée de Cheikh Oumar, la région se transforma rapidement. Il y installa des daaras, où il enseignait aux enfants et aux adultes les rudiments de la foi islamique. Sous son impulsion, Saroudia devint un centre d’enseignement religieux, attirant des talibés des localités voisines.
Toute la vie de Cheikh Oumar Diakhaby se résuma à l’enseignement du Coran et à la propagation de la voie de la Tidjaniya. Son amour pour le Livre Saint était tel qu’il ne concevait pas une journée sans enseigner ses versets. Même dans ses vieux jours, alors que sa santé déclinait, il continuait d’accueillir des talibés et de leur transmettre la sagesse coranique. En plus de son rôle d’enseignant, il consacra une grande partie de son temps à l’agriculture, suivant ainsi l’exemple des prophètes qui, tout en étant des guides spirituels, travaillaient de leurs mains.
Cheikh Oumar ne cessa de voyager, parcourant de vastes territoires pour rencontrer d’autres érudits et renforcer les liens entre les communautés musulmanes. Issu d’une lignée de dignitaires de la Tidjaniya, Cheikh Oumar reçut le wird de son propre père, grand maître spirituel en Guinée. Sa vie fut marquée par de profondes relations avec d’autres figures de l’islam, notamment Serigne Touba et El Hadji Malick Sy, qu’il visitait fréquemment. Il entretenait également des liens avec des érudits du Mali, affirmant ainsi sa position de leader spirituel respecté dans toute la sous-région.
L’œuvre de Cheikh Oumar s’étendit bien au-delà de Saroudia. Il fonda plusieurs villages entre la Guinée et Kédougou, parmi lesquels Médina Bafé, où il laissa également son empreinte spirituelle. Partout où il passait, il installait des écoles coraniques et des mosquées, semant les graines d’une foi solide qui allait perdurer à travers les siècles.
Cheikh Oumar Diakhaby quitta ce monde en 1952, à l’âge de 112 ans, laissant derrière lui un héritage spirituel immense. L’année de sa mort coïncida avec la naissance de son fils, l’actuel Khalif El Hadji Mouhamed Diakhaby, signe que la lignée des Diakhaby continuerait à perpétuer son œuvre. Depuis son décès, cinq de ses fils se sont succédé au titre de Khalif, et chacun a veillé à maintenir vivante la flamme allumée par leur père.
Chaque année, une ziara est organisée à Saroudia en son honneur, attirant des fidèles venus des quatre coins du monde. Les mosquées qu’il avait érigées, de Kegnaba à Kédougou, sont aujourd’hui des monuments de foi où des générations de croyants viennent prier et honorer la mémoire de celui qui fut un des premiers à apporter l’islam dans ces terres. Ses descendants, fidèles à ses enseignements, veillent sur cet héritage et assurent la transmission du savoir et des valeurs qu’il a inculquées.
L’héritage de Cheikh Oumar est aujourd’hui vivace, non seulement à travers ses fils et petits-fils, mais aussi à travers les milliers de talibés qu’il a formés. Dispersés aux quatre coins du monde, ils perpétuent ses enseignements, faisant rayonner la voie de la Tidjaniya bien au-delà des frontières de la Guinée et du Sénégal. Son nom reste associé à la lumière de l’islam, à la propagation du Coran et à la construction de mosquées qui continuent de rassembler les fidèles.
Cheikh Oumar Diakhaby, ce pilier de la foi, consacra chaque instant de son existence à l’œuvre divine. Ses champs, ses écoles et ses mosquées sont autant de témoignages de son engagement, mais c’est surtout dans les cœurs de ses disciples que son héritage brille le plus intensément.
Seydi Diallo enseignant à l’IEF de Guinguinéo
Mes très vives remerciements à son petit-fils et homonyme Cheikh Oumar Diakhaby mais aussi au journaliste M. Fily Cissokho de Sunugox. infos qui m’a mis en relation avec la famille.
Sur la photo, c’est son actuel Khalife. On n’a pas de photo de lui.