Mame Thierno Kandji la lumière de la Tariqa dans le Baol !
Né en 1840 dans les riches terres spirituelles du Saloum, près de Mabo, Thierno Mouhamadou Moustapha Dramé, plus connu sous le nom de Mame Thierno Kandji, est une figure emblématique de l’histoire religieuse du Sénégal. Fils d’Abdoulahi Dramé, qui fut l’Imam Ratib de Baïty pendant trente ans, et de Coumba Dramé, originaire de Mabo, Mame Thierno Kandji a hérité du rôle d’Imam de la grande mosquée de Baïty, suivant les traces de son père pour servir pendant trente ans. Orphelin de père dès son jeune âge, il fut pris en charge par son oncle, Hammad Dramé, connu sous le nom de Serigne Port, qui lui donna le nom de Seydina Mouhamed lors de son baptême.
Très jeune, Mame Thierno Kandji a montré une soif insatiable de connaissance, consacrant chaque instant à l’exploration des vérités profondes de l’Islam. Il apprit le Coran sous la direction de Thierno Amadou Diallo, un Peulh du Fouta originaire de Labé en Guinée, dans le daara de son oncle à Port Ndramé. C’est également par le biais de cet oncle qu’il prit le Wird de la Tarikha Tidiane et reçut son diplôme de la Tarikha, appelé Idiaza.
Dans sa quête spirituelle, Thierno Kandji quitta sa terre natale et voyagea seul à la recherche de lieux propices à l’enseignement du Saint Coran. Son périple l’emmena à travers de nombreux foyers islamiques, de Kouk en Gambie à Ndiarème, absorbant les sagesses coraniques à chaque étape et se rapprochant toujours plus de son Seigneur. Après un séjour de trois ans en Gambie, où il se consacra à l’enseignement et à l’agriculture, Thierno Kandji poursuivit ses pérégrinations à Rufisque, puis Bargny, où il fonda un foyer. Il se rendit ensuite à Yoff, où il vécut deux karamat (miracles) de Mame Limamou Laye, avant de continuer son voyage à Khodaba et à Keur Mor Ndiaye, où les habitants le sollicitèrent pour devenir leur Imam.
Après un bref séjour à Thiès, il continua son voyage à Khombole, où il rencontra Tafsir Babacar Diba. De Khombole, il partit à Bambey chez El Hadji Ibrahima Kébé et El Hadji Séga Diallo. C’est chez El Hadji Barro Ndiéguène qu’il fit la connaissance de Mame Madior Amar, un commerçant qui faisait souvent escale chez Mame Amadou Barro Ndiéguène à Rufisque. Mame Madior Amar suggéra à Thierno Kandji de rencontrer son marabout, Mame Malick Fawade, et c’est ainsi que Thierno Kandji se rendit à Ndiarndé dans un champ nommé « Ngambou Thillé », où Mame Malick était en retraite spirituelle.
Lorsque Thierno Kandji et Mame Malick Fawade se rencontrèrent, c’était comme s’ils se connaissaient depuis toujours. Mame Malick demanda à Thierno Kandji de terminer ses ablutions dans une chambre avant de les rejoindre. Un visiteur, croyant voir Mame Malick dans la chambre alors qu’il l’avait laissé dehors, cria de surprise. Mame Malick lui expliqua que c’était un intime, Thierno Kandji, qui se trouvait dans la chambre.
Ne trouvant pas ce qu’il cherchait auprès de Mame Malick, Thierno Kandji se rendit ensuite au Mali, plus précisément à Kayes, où il rencontra Tidiane ibn Baba Al Alawi, auteur de « Mounyatoul Moyitou Mouride ». Après une nuit passée ensemble, Tidiane Ibn Baba lui révéla que ce qu’il cherchait se trouvait en fait avec la dernière personne qu’il avait rencontrée. Thierno Kandji comprit alors que sa quête le ramenait vers Mame Malick. De retour à Ndiarndé, il s’entretint avec Mame Malick, qui lui permit d’atteindre le grade spirituel qu’il recherchait, scellant ainsi une relation spirituelle exceptionnelle.
En 1903, Mame Thierno Kandji, sentant une guidance spirituelle, s’établit définitivement à Ndiarème où il ouvrit un daara et institua le Gamou, une tradition qu’il inaugura un an après celle de Tivaouane. En 1906, il s’installa à Diourbel, qui devint son refuge final. Là-bas, il accueillit son premier fils, Serigne Cheikh Kandji, à l’âge avancé de 68 ans.
Lors d’une visite à Diourbel en 1909, Seydi El Hadji Malick Sy recommanda à ses disciples tidianes de se rapprocher de Thierno Kandji pour toute question relative à la Tariqa, consolidant ainsi sa position d’autorité spirituelle à Diourbel, où un quartier fut même surnommé en son honneur.
En plus d’être un érudit respecté, Mame Thierno Kandji joua un rôle clé dans l’accueil de Cheikh Ahmadou Bamba à Diourbel, où une amitié fraternelle se développa entre eux, fondée sur le respect et l’admiration mutuelle. Lors des Gamous organisés par Mame Thierno, Serigne Touba témoignait de son soutien, renforçant les liens entre les confréries mouride et tidiane.
Serigne Mouhamadou Moustapha Kandji fit preuve d’un courage inébranlable lorsque la peste ravagea le Baol, refusant de fuir l’épidémie et se dévouant aux soins des malades et aux rites funéraires des défunts, illustrant ainsi sa foi profonde et sa piété.
Mame Thierno Kandji joua un rôle central dans la propagation de la Tariqa Tidiane dans le Baol. À une époque où la confrérie cherchait à s’enraciner plus profondément dans la région, Thierno Kandji se démarqua par son engagement à vulgariser les enseignements tidianes. Par sa prédication inlassable et son exemple personnel de piété, il attira de nombreux disciples, consolidant ainsi l’influence de la Tidjaniya dans le Baol. Ses efforts contribuèrent à faire de cette confrérie un courant spirituel ancré dans cette région, marquant durablement la religiosité locale.
Mame Thierno Kandji épousa Sokhna Astou Ndieguene RTA, fille aînée de Tafsir Ahmadou Barro Ndieguene RTA et eut sept enfants, dont trois garçons et quatre filles.
En 1945, à l’âge de 105 ans, affaibli par la maladie, Thierno Kandji rendit l’âme un jeudi, neuvième jour du mois de Rajab. Sa disparition fut marquée par une inhumation en pleine nuit, sous une lune éclatante, en présence de mystérieux individus vêtus de jellabas, que certains interprétèrent comme des Chérifs venus l’accompagner à sa dernière demeure.
Son fils aîné, Serigne Cheikh Kandji, né en 1906, prit la relève de la Khalifa à l’âge de trente-sept ans en 1945 et devint Imam Ratib de Diourbel en 1953. Serigne Cheikh Kandji quitta ce monde en 1998, et aujourd’hui, la Khalifa est dirigée par son petit-fils, Serigne Habib Ibn Serigne Cheikh Kandji.
L’histoire de Mame Thierno Kandji, un inflexible serviteur de l’Islam, continue de résonner dans les cœurs des fidèles bien au-delà des frontières du Baol, témoignant de la lumière éternelle qu’il a laissée derrière lui.
Merci beaucoup au valeureux Khadimou Cheikh Mahi qui m’a mis en relation avec la famille. Toutes mes remerciements à Cheikh Habib Kandji et à son fils qui m’ont accompagné durant la rédaction de ce texte.
Seydi Diallo enseignant à l’IEF de Guinguinéo
Photo: Son fils et premier Khalif. On n’a pas de photo de lui.