Le Président Bassirou Diomaye Faye a présidé ce 07 Novembre 2024, la cérémonie d’ouverture de la 15ème édition de la Biennale de l’Art africain contemporain à Dakar, un événement majeur de promotion de la culture en général et du marché de l’art en particulier. Voici in extenso le discours du chef de l’Etat !
En ma qualité de Premier Protecteur des Arts et des Lettres, aux termes de la Constitution de la République du Sénégal, je voudrais exprimer toute ma satisfaction et le plaisir que j’éprouve de retrouver, en ce jour, la grande famille de la culture, à l’occasion de l’ouverture officielle de la 15ème édition de la Biennale de l’Art africain contemporain.
Pendant un mois donc, du 07 novembre au 07 décembre 2024, Dakar et le Sénégal seront au cœur d’un bouillonnement artistique intense.
Je voudrais saisir cette heureuse opportunité pour souhaiter la cordiale bienvenue, au pays de la Teranga, à nos hôtes qui viennent du monde entier. Votre présence fraternelle constitue une illustration de la vocation internationale de la Biennale de Dakar.
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi ensuite de féliciter, chaleureusement, les artistes qui viennent d’être distingués des prestigieux prix de la Biennale.
A travers ces figures de proue dont le jury a salué la qualité de la production, je voudrais rendre hommage à tous les créateurs, les 129 artistes du programme officiel « IN » comprenant les trois pavillons nationaux, et à ceux des manifestations « OFF » qui étendent les limites géographiques de la Biennale au-delà de Dakar intra-muros.
Tous, dans le sillage de vos illustres devanciers dans l’organisation de cette belle manifestation depuis 34 ans, contribuez à rapprocher les Peuples à travers le langage si puissant de l’Art.
Et comment, à ce moment de mon propos, ne pas prendre le risque de parcourir les travées des souvenirs vivaces de la Biennale de Dakar, saluer les silhouettes d’amis, passés dans l’autre monde mais dont le souvenir, les sourires et les traits de génie, ont façonné en quelque sorte l’esprit de Dakar’t, Je pense à Issa Samb plus connu sous le nom de Joe Ouakam, Ousmane Sow et Souley Keita. Je pense à Ndary Lo, Alpha Sow, Ibrahima Kébé. Je pense à Djiby Ndiaye, Amadou Kré Mbaye, Moussa Baidy Ndiaye et Kata Diallo. Je pense à Moustapha Dimé, Amadou Sow et Diop Sambalaye et à bien d’autres encore.
A tous, je dis au nom de la République reconnaissante : Nous ne vous oublierons jamais !
C’est alors, le moment d’adresser mes vives félicitations au Comité d’orientation, au Secrétariat général de la Biennale, aux commissaires d’exposition, aux membres du jury, aux scénographes, aux directions et commissions techniques.
Je n’oublie pas tous ceux qui, dans l’anonymat des coulisses, et dans des conditions bien des fois extrêmes, déploient des efforts incommensurables, jour et nuit, pour que la Biennale de Dakar conserve son lustre et rayonne encore davantage.
Je voudrais également relever le choix de l’organisation de rendre hommage à deux artistes plasticiens talentueux, Anta Germaine Gaye, spécialiste reconnue de la peinture sous-verre, et Mohamadou Ndoye dit Ndoye Dout’s, disparu il y a près d’un an. Ces deux créateurs ont en commun un engagement social notable.
Mouhammadou N’Ndoye Dout’s, rappelé si jeune auprès du Seigneur, s’est particulièrement distingué au sein de sa communauté par des actes de bienfaisance et de solidarité, notamment la construction de salles de classe et la fourniture d’équipements et de consommables à des établissements de santé, entre autres ! Qu’il repose en Paix dans sa terre source du Djender qu’il aura tant aimée et si bien servie.
Quant à Anta Germaine Gaye et de l’avis unanime, son sourire éclatant et bienveillant rassure et réconforte, autant que son immense talent mis au service d’une technique picturale qui prend la réalité à rebours. Professeur d’éducation artistique, elle exerce avec Amour son métier et ravit nos sens par la qualité méticuleuse de ses œuvres. Nous lui souhaitons une longue vie au service du Beau et de sa mission de transmission de son Savoir !
La Biennale de Dakar, dont nous célébrons la quinzième édition, s’est imposée, au fil des années, comme une activité de référence en matière d’art contemporain en Afrique et dans le monde. Un événement majeur de promotion de la culture en général, du marché de l’Art en particulier. En dépit des menaces de toutes natures qui auraient pu entraver sa croissance, elle est demeurée une plateforme d’expression artistique remarquable.
Cette permanence dans l’innovation, nous le devons à l’appui substantiel de l’État du Sénégal, aux contributions des partenaires institutionnels et privés, auxquels je voudrais exprimer toute notre gratitude pour leur accompagnement jamais démenti.
L’engagement des artistes plasticiens qui portent la Biennale comme un joyau précieux, façonné de leurs mains, je devrais dire de leurs pinceaux et burins, est aussi un phare puissant qui illumine et oriente cette grande manifestation culturelle, au-delà des frontières de notre Continent. La passion des artistes et de tous ceux qui aiment l’Art et le font vivre est, en effet, un moteur puissant pour cette manifestation. Le gage de sa pérennité en dépit des vents contraires.
Je me réjouis, qu’avec la Biennale de l’Art africain contemporain, Dakar et le Sénégal renforcent leur position d’espaces de création et de réflexion autour de l’esthétique de l’Art comme des grands enjeux de notre monde en mutation.
C’est pour cette raison que je tiens à saluer le thème de la présente édition : « The wake, l’éveil, le sillage, xàll wi » et félicite la Directrice artistique pour son éminente contribution à la réflexion.
Cette thématique montre que l’une des fonctions essentielles de l’Art réside dans le fait de capter l’évanescent, le transitoire, le fugitif d’un monde en perpétuel mouvement, pour lui donner consistance, profondeur et densité. Une vocation artistique assumée consiste donc à organiser le chaos du monde pour lui attribuer un sens.
Mesdames et Messieurs,
La culture reflète nos identités et les nourrit en retour. Partout où nous allons, nous portons à nos semelles et laissons traîner dans notre sillage, la poussière de notre terre d’origine et de ses cultures. C’est bien la culture qui donne un liant à notre trajectoire individuelle et collective, menacée d’éparpillement en raison des agressions multiformes de la vie moderne. La culture, dans sa diversité, est le terreau fertile à notre commun vouloir de vie collective.
L’émotion qui nous saisit devant l’œuvre d’art peut modifier durablement notre vision du monde et orienter nos actions. L’artiste a ceci de commun avec l’homme politique et l’homme d’État qu’il est sensible à la destinée de sa communauté. Il anticipe les mutations sociales et est aussi visionnaire. Son rôle pour mobiliser les énergies, celles de la jeunesse notamment, s’avère donc important.
L’Art facilite la compréhension du monde, le rend moins angoissant et aide à défricher la place que l’homme doit y occuper, en symbiose avec tous les autres êtres, composantes à part entière du vivant. Une telle posture indique que l’esthétique et l’éthique s’alignent sur les mêmes références.
L’Art, a-t-on coutume de dire, est un antidestin. Il contourne la finitude de la vie humaine pour inscrire l’œuvre dans l’éternité. J’ajoute qu’il contribue aussi à conjurer les peurs qui inhibent pour mettre en exergue la beauté, la volonté, le courage.
Ces peurs qui inhibent, symbolisées par le contexte géopolitique international troublé ainsi que les menaces environnementales, nous édifient à suffisance sur le besoin impérieux de cultiver la paix et la concorde entre les Peuples et au sein des nations. En ce sens, le message de paix des hommes de culture doit être mieux entendu.
Je voudrais par ailleurs saluer les deux pays invités d’honneur de la présente édition de la Biennale, les Etats-Unis d’Amérique et la République de Cabo Verde, tous très proches du Sénégal. Ces deux grands pays de culture et de diversité, partenaires bilatéraux traditionnels du Sénégal, apporteront, je n’en doute point, à travers leurs artistes et leurs créations, une contribution de qualité à la manifestation.
Mesdames et Messieurs,
Dès mon accession à la magistrature suprême, j’ai invité mes compatriotes à cultiver le sens de l’éthique dans leurs attitudes et leurs actions. En exprimant ce souhait, j’ai à cœur de façonner une conscience collective orientée vers la mobilisation des énergies et des intelligences afin que nous puissions affronter, dans les meilleures dispositions, les immenses défis du présent et du futur, en puisant dans les richesses morales inépuisables de nos cultures.
L’éthique, vous le savez, est une valeur cardinale de nos cultures et traditions. Voilà pourquoi, le gouvernement conduit par Monsieur le Premier Ministre Ousmane Sonko inscrit les valeurs de JUB-JUBAL-JUBBANTI au cœur nos actions. On pourrait traduire ces mots en substance par : Droiture et Rectitude par l’exemple : JUB et JUBBAL. Rectification des torts causés à autrui et à la communauté : JUBBANTI. Tels sont les mots-clés à mettre en œuvre à tous les niveaux par chacun d’entre nous et, plus particulièrement, par ceux qui exercent une parcelle de la Puissance publique.
La gouvernance politique bien pensée s’articule naturellement autour de ces fondements culturels.
Accomplir cette exaltante mission revient à s’aligner sur la Constitution qui proclame dans son Préambule, l’attachement profond du Peuple du Sénégal souverain « à ses valeurs culturelles fondamentales qui constituent le ciment de l’unité nationale » et reconnaît le principe du « respect des spécificités culturelles de toutes les composantes de la Nation ».
Je serai donc attentif, dans la mise en œuvre de notre politique culturelle, à l’identification, la préservation et la valorisation de notre patrimoine. Le patrimoine culturel nourrit nos imaginaires et assure, par sa transmission aux générations futures, la survivance de nos cultures. A cet égard, j’accorde un intérêt tout particulier aux volets suivants :
– L’économie de la culture, pour soutenir toutes les filières et favoriser l’essor d’entreprises et d’industries culturelles et créatives vecteurs d’emplois pour les jeunes et les femmes, en particulier. Le secteur renferme en effet un fort potentiel en création d’emplois et de richesses qu’il importe de mieux connaître, d’organiser et d’exploiter par un accès facilité aux données culturelles, l’accompagnement des créateurs par la professionnalisation et le financement, entre autres.
– Le numérique, devenu incontournable, pour valoriser, sur les différentes plateformes, les créations de nos artistes et offrir davantage d’opportunités d’emplois aux jeunes. Le numérique occupe une place de plus en plus importante dans l’économie de la culture. Le rapport de 2018 sur la Convention 2005 de l’UNESCO intitulé « Repenser les politiques culturelles : la créativité au cœur du développement » précise que les technologies numériques ont transformé la chaîne de valeur culturelle si bien que l’économie culturelle est de plus en plus numérique. Le numérique offre une opportunité à saisir dans la valorisation de notre riche patrimoine immatériel. Le secteur culturel national devra davantage saisir et exploiter les potentialités considérables offertes par le numérique.
– Le renforcement de la décentralisation culturelle, par un soutien plus affirmé à l’administration culturelle locale et aux événements se tenant sur l’ensemble du territoire national. Je tiens, à ce propos, dans un souci d’équité territoriale, à ce que l’offre culturelle bénéficie à tous nos compatriotes et que, parallèlement, le besoin d’expression culturelle ainsi que de valorisation du patrimoine des communautés soit comblé. Il en va de notre cohésion nationale.
Dans la mise en œuvre de cette politique, l’État sait pouvoir compter sur l’engagement, la générosité de la famille de la culture et de tous les partenaires attentifs au devenir de ce secteur.
Dans la marche résolue vers le mieux-être de toutes les composantes de la Nation, la culture, eu égard à sa dimension transversale, est appelée à insuffler un supplément d’âme à nos politiques pour qu’elles adhèrent sans cesse, et mieux, à ce que nous sommes et aspirons à devenir. En nous définissant et en nous situant par rapport au reste de l’humanité, la culture participe de notre souveraineté morale et intellectuelle. Elle garantit également le respect de tous ceux qui ont des histoires, des visions du monde différentes, dès lors que s’engage un dialogue fécond, d’égale dignité et mutuellement bénéfique, aux fins de renforcer le partenariat et la compréhension mutuelle.
Mesdames et Messieurs,
Je ne saurais terminer sans rappeler, à titre de viatique, une sagesse bien de chez nous qui enseigne qu’une seule main ne saurait applaudir ; autrement dit, toute vraie réussite ne peut être que collégiale. J’en appelle donc au sens élevé des responsabilités de tous les acteurs pour cultiver, ensemble, les vertus de la solidarité, de la concertation, de la collaboration, entre l’Institution étatique et les professionnels de la culture, entre les artistes eux-mêmes, avec nos partenaires aussi.
C’est bien à cette condition que nous parviendrons à relever, ensemble, les défis de la contribution du secteur culturel au développement économique et social, à notre souveraineté intellectuelle ainsi qu’à la valorisation de notre identité d’Africains.
J’exprime enfin le souhait ardent que les créations de nos valeureux artistes contribuent à combler nos besoins esthétiques, aident à une meilleure compréhension du monde et, par la qualité et la pertinence de leurs contenus, facilitent l’éducation des enfants et de la société dans son ensemble. L’Art distrait, fait rêver et réfléchir ; il enseigne et éduque.
En invitant les populations, particulièrement les jeunes, à prendre part massivement aux différentes manifestations de la Biennale, je souhaite une bonne fête de la culture à toutes et à tous.
C’est sur ces vœux que je déclare officiellement ouverte la 15ème édition de la Biennale de l’Art africain contemporain 2024.
Je vous remercie de votre attention.